Gaston le Champion 

Avoir confiance en soi !

 

Gaston ce n'était pas ce que l'on peut appeler un Jeannot, le vélo c'était son truc, ça avait toujours été son truc. Cette année il allait exploser les compteurs, une saison de Louf qu'il allait faire. Sa recette il l'appliquait à la lettre, recette toute simple mais efficace, des bornes, encore des bornes et toujours des bornes.

Bien sûr, abonné à Top vélo, il était à la pointe de la technique. L'acheteur cycliste sur la table de nuit, aucune news  concernant le matériel ne lui échappait. Non content d'être un vrai, un qui fait le métier, il ne supportait pas l'approximatif. Du nickel, du précis, du beau qu'il lui fallait à Gaston. Pas d'erreur de goût, pas d'erreur de matos, pas d'erreur de parcours, enfin presque jamais. Pour ça il avait du pif l’artiste, il ne se gourait pas, avec lui tu étais toujours dans les bons coups.

En ce début février, il comptabilisait déjà un bon paquet de bornes, il n'allait pas se laisser surprendre. La première était dans trois semaines, du côté de Plaisance-du-Gers. Il serait prêt, sur celle-là il chatouillerait les pédales. Ce samedi, comme tous les samedis il sortait avec le club de Colomiers. Un beau groupe d'une quinzaine de coursiers, des pointures de la DN1, des « qui causent pas, qui fument pas, qui boivent pas, qui draguent pas (trop), mais qui roulent ». 

Il était à l'heure Gaston, devant le siège du club, 8h20mn59s indiquait sa montre dernier cri, Polar à impulsions micro-électriques pilotée par satellite, waterproof dix mille mètres.

Il avait chaussé le casque blanc, aux motifs arc-en-ciel, profilé, lunettes Oakley du même métal, chaussures Sidi Ergo 2 carbone 14 allégées fourrées, maillot blanc et bleu, gilet bleu et blanc, il aimait bien le ton sur ton Gaston. Et surtout, le chic du chic, les gants, la petite touche qui distingue le commun de l'exceptionnel, les gants blancs avec un petit liseré arc-en-ciel. Tout dans le détail, la précision, pas de faute de goût, plus beau que Tom Boonen lui même.

Ne parlons pas du destrier, du magnifique, du « class », du « qui fait écarquiller les yeux et donne envie », du léger mais robuste, du félin, souple et puissant, tout à l'image de Gaston.

Ce matin c'était lui le capitaine de route, le leader, celui qui prévoit le circuit et donne le rythme, un rôle qui lui convenait, le vélo il était tombé dedans quand il était petit. Les sensations, le feeling, le bon coup de pédale à adopter, il suffisait de le regarder, précis, il savait conduire son monde, le pif, il avait du pif Gaston.

Quel plaisir de rouler du côté de l’Isle-Joudain, à deux pas de chez lui, secteur vallonné à souhait. Aujourd’hui la ballade se prolongerait dans ce magnifique département gersois. Il était facile Gaston mais en plus ce matin il s'en était remis à son superbe GPS Garmin qu'il venait de s'offrir. Un bijou. Il y avait même connecté son Power Tape, les watts défilaient. Il avait programmé la sortie, cent vingt bornes, il n'y avait qu'à suivre la flèche, retour pour 11h30.

- Dis Gaston, t'es sûr qu'on s'est pas gouré, tu crois qu'on est sur le retour ?

- Pas de « blême » les gars, suivre la flèche, rien d'autre, c'est technique, et j'ai du pif, on est bien.

- Dit Gaston, il est 11 heures, c'est normal que le panneau indique Vic Fezensac cinq kilomètres ?

- J'ai suivi la flèche normalement, et puis quand même j'ai du pif !

- Putaing cong les gars vous avez raison, y merde le GPS, on va rentrer au pif, je crois que c'est plutôt par là.

A 14 heures, le groupe atteignait le siège du club à Colomiers. Le capteur de puissance indiquait trois watts. Au bord du malaise qu'ils étaient les champions, déchirés, explosés, défoncés, un véritable entraînement, pas une sortie de rigolos, pas vrai Gaston ? Dans trois semaines ils seraient au top, qu'il disait Gaston. Il le sentait, il avait du pif Gaston, un pro de la technique et de la précision, savoir se faire mal si tu veux du résultat, c'est ça la recette, se faire mal. Et là ils avaient mal, surtout Gaston.

Amandine, dite « Gastounette » s'inquiétait, 15 heures et le Gaston n'était toujours pas là, son soufflet était tombé depuis longtemps. Enfin, il déboulait dans la cuisine, pâle comme un linge.

- C'est le GPS qui a merdé, je comprends pas, je comprends pas, putaing cong je comprends pas.

- C'est bizarre chéri, je l'ai réglé hier soir sur Saint-Jacques-de-Compostelle pour notre périple de cet été et il m'a semblé bien fonctionner. Dépêche toi de te doucher mon champion, la cassolette de Saint-Jacques va être froide, tu ne sens pas cette bonne odeur ?

Il avait du pif Gaston mais là il ne sentait plus rien, il s'était endormi sur le canapé.


 

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